Le colloque 2015 « Femmes créoles d’aujourd’hui » propose un très large éventail de thématiques autour de la conviction et de la responsabilité. Où situez-vous la marque spécifiquement protestante dans ce colloque ?
Cela se voit d’abord dans la forme organisationnelle des manifestations. C’est une initiative protestante portée par des protestants de type évangélique, qui invitent des personnes de différents milieux, catholiques ou laïques.
Ensuite, en ce qui concerne le fond, nous constituons ces projets toujours autour d’un centre (valeurs spécifiques de l’Évangile) et d’une périphérie (valeurs culturelles communes partagées dans la société guadeloupéenne). Par exemple, nous avons plusieurs interventions qui relèvent de la sociologie, de l’histoire, etc., mais le « noyau dur, central » reste fondamentalement protestant (biblico-théologique).
Dans le respect de tous, nous souhaitons articuler les valeurs de l’Évangile au contexte social actuel. La règle ou la philosophie — est de le faire avec pertinence, douceur et respect (1 Pierre 3.15). Nous ne transformons pas ces colloques en campagnes d’évangélisation, ni les salles publiques en lieux de cultes.
Si vous lisez le livre, Le courage d’être femme (actes du colloque de 2012 « Femmes créoles d’aujourd’hui : identité/authenticité, engagement/responsabilité »), vous observerez que nous avons plaidé pour une autre image de la femme guadeloupéenne fondée sur nos convictions chrétiennes tout en tenant compte du contexte culturel guadeloupéen. Le christianisme que nous proposons est une religion de transformation et non d’évasion qui fuit le réel.

L’Église Évangélique de la Guadeloupe est un des soutiens importants de ce colloque. Quelle part est prise par les autres églises protestantes ? 
De nombreux membres d’Agapé Guadeloupe qui organise le colloque FANM DOUBOUT sont issus de l’Église Évangélique de la Guadeloupe. De façon plus précise, le Comité des femmes de l’EEG est très mobilisé et constitue un réseau et un relai efficace pour nos manifestations. Cependant, notre volonté est de travailler avec l’ensemble des Églises protestantes évangéliques, autour de valeurs communes. C’est dans l’unité que nous allons faire progresser la cause de l’Évangile en Guadeloupe. C’est pourquoi nous sommes ouverts à tous les chrétiens de bonne volonté qui souhaitent nous donner la main d’association. Ainsi, nous collaborons avec la Fédération des Églises Évangéliques Baptistes de la Guadeloupe, l’Église de Bethel AEFPC, l’Église Soldats du Christ. La moisson est grande, il y a peu d’ouvriers et l’heure est proche : ces trois réalités nous font un devoir de joindre nos forces afin d’être plus efficaces au service de toute la population guadeloupéenne.

Comment les acteurs catholiques perçoivent-ils cette initiative ? 
De façon générale, les Églises protestantes évangéliques en Guadeloupe n’ont pas de relations avec l’église catholique en tant qu’institution.
La notion d’œcuménisme a un sens péjoratif ici et elle est synonyme de compromission.
Cependant, Agapé Guadeloupe dans son souci d’ouverture et d’être un pont, un lien entre tous les membres de la société guadeloupéenne, ne s’interdit nullement d’inviter des catholiques à prendre une part active à nos projets.
En 2010-2011, nous avions pris contact avec l’évêque de la Guadeloupe, le père Jean Hamot, qui a mandaté le père Albert Blanchard, responsable de la commission Justice et Paix, avec lequel nous avons travaillé. Il a été orateur d’une conférence que nous avons organisée. Il avait tiré la sonnette d’alarme en 2009 lors du mouvement social initié par le LKP (Lyannaj Kont Pwofitasyon : Solidarité contre le vol et les profits abusifs), en affirmant qu’ « Une autre Guadeloupe est possible ». Une Guadeloupe qui au-delà des questions matérielles de la vie chère, s’interroge sur les valeurs fondatrices du vivre ensemble.
Nous travaillons également avec des catholiques membres de la société civile tel le libraire Max Jasor très sensible à la question de la réconciliation entre les Guadeloupéens marqués par les séquelles historiques de l’esclavage et de la colonisation.

« La culture et la spiritualité créoles ont beaucoup à apporter à la métropole ! »

Ce colloque est situé sur le territoire français, en Guadeloupe. Mais comment est-il relayé en métropole ? Et d’une manière générale, comment jugez-vous la manière dont la métropole s’intéresse aux initiatives protestantes aux Antilles ?
Notre relai principal et naturel c’est évidemment Agapé France dont nous sommes issus. Il se trouve que je suis à la fois président et fondateur d’Agapé Guadeloupe (et à ce titre, initiateur du colloque FANM DOUBOUT), et aussi un cadre actif d’Agapé France. Les actions sont relayées sur le site internet d’Agapé France, mais aussi celui de Femmes 2000, et bien d’autres encore.
Nous nous appuyons beaucoup sur les réseaux sociaux et internet est un formidable outil de communication pour nous qui sommes insulaires. Nous avons un site dédié à FANM DOUBOUT, femmes-creoles-daujourdhui.fr qui nous permet de nous adresser au plus grand nombre.
De façon plus générale, l’information et la curiosité vont plus dans le sens des iliens vers l’hexagone que l’inverse. Nous sommes perçus, à tort  davantage sous l’angle festif, ludique et exotique que pour notre dimension spirituelle et intellectuelle. Cette image change lentement mais sûrement à travers les actions que nous entreprenons. La culture et la spiritualité créoles ont beaucoup à apporter à la métropole !